samedi 1 mai 2010

Les contes d'apnée - Ctrl-Alt-Delete

Didier de Lannoy
Contes d'apnée

histoires courtes, scraboutchées sur une musique débranchée de Thelonious Sphere Monk (j’ai toujours voulu écrire comme Thelonious Monk !), de Fela Anikulapo Kuti, de Luambo Makiadi, d’Isaac Muzekiwa (à la Samba !) (vers 5 heures du matin !) ou d’Abdullah Ibrahim, qui se veulent drôles (mais ne font rire personne), érotiques (mais ne font jouir personne), politiques (mais ne changent la vie de personne), insensés (mais ne font perdre la tête à personne) et cruels (mais ne troublent le sommeil de personne)
2003-2005
Extraits - En vrac



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(051002)


Il avait toujours été con-

tre ceux qui le réveillaient la nuit et

- Veux-tu bien…

- Est-ce qu’on me laisse vraiment le choix ?

refusait de faire caca et pipi dans un vieux pot de chambre (en porcelaine) et de faire acte de contrition et de s’humilier au pied d’un crucifix (en plâtre peint) en bredouillant dix je-vous-salue-marie-pleine-de-grâce pour un seul notre-père-qui-êtes-aux-cieux.

Sans prie-dieu. A même un plancher de sapin raboté à la main (dans la deuxième moitié du XIXème siècle) par un vieux menuisier de bâtiments (et fabricant aussi les sabots, les prie-Dieu, les brouettes et les cercueils des habitants des villages-paroisses de Nassogne, Harsin, Masbourg et Ambly). Jambes et pieds nus. Au risque

- On ne se met pas sur son séant !

de s’enfoncer des échardes dans les orteils

- On ne s’assied pas non plus sur les talons !

et les genoux. Pendant neuf jours consécutifs. Con-

- On joint les mains ! Verticalement ! Devant le cœur !

tre ceux qui sonnaient la cloche, sifflaient des fautes et marquaient la mesure. Et con-

tre les Autres qui ne supportaient plus ses couinements de souris grise et ses grignotements de rat palmiste. Et le prenaient par les épaules et le secouaient vivement. Et le serraient. Et le sanglaient. Et lui tiraient les oreilles. Et lui frictionnaient le nez. Et lui dévissaient le cou. Et lui lavaient la bouche avec du savon. Et

- Je ne veux pas ! Naboyi na ngai ! Je refuse !

se moquaient de ses terreurs et l’envoyaient toujours chercher quelque chose à la cave ou au grenier (du charbon ou des bouteilles de vin ou des pommes de terre ou un pot de gelée de groseilles ou de coing ou des grilles de barbecue) ou chez l’épicier de la place Hendrik Conscience (des tomates et des pommes de terre ou du café et des baguettes ou des bottes de menthe et de coriandre ou une caisse de tomates ou de mandarines) ou à un magasin de nuit iranien de la rue de Venise ou sri-lankais de la rue Malibran (de la bière et des cigarettes) (et du vin rouge qui n’est pas resté trop longtemps en vitrine) et

- Tu pleures sans même savoir pourquoi !

lui ordonnaient

- Veux-tu bien te lever, ouvrir les rideaux, aérer ta chambre, te laver avec du savon, t’habiller proprement, ne pas laisser couler l’eau dans la douche pendant que tu te brosses les dents, changer de slip, boutonner la braguette de ta culotte d’uniforme, vider et nettoyer ton vase de nuit, faire ton lit, prendre ton petit-déjeuner[1], honorer le Seigneur, renoncer à Satan, vénérer ton Roi, cirer tes chaussures, nouer tes lacets, te donner un coup de peigne devant le miroir, préparer ta gourde et tes tartines (aux œufs brouillés), prendre ta carnassière, aller à l’école catholique, ne pas sauter à pieds joint dans les flaques d’eau, ne pas te ronger les ongles, cesser de te sucer le pouce, ne pas grimper avec tes chaussures sales sur le canapé du salon, baisser le volume de la radio ou de la télévision, nous lâcher les baskets, te casser au loin, aller jouer ailleurs, bien te couvrir, ne pas t’endormir au soleil, te mouiller la nuque avant de plonger dans l’eau, ne pas te gratter le trou du cul en public, retenir tes larmes, arrêter de pleurnicher, sourire au photographe, respirer profondément, ne pas renifler bruyamment, ne pas te moucher dans les rideaux, rentrer les vaches, traire les chèvres, nourrir les bêtes, donner le biberon aux veaux, empêcher les porcs de se vautrer dans les immondices (et le purin), aider ton père à égorger le cochon avec un long couteau pointu (et à recueillir le sang de la bête succulente et impie dans une grande bassine de métal émaillé), donner au chien la tête du mouton qu’on vient d’abattre, tailler la haie, désherber le potager, cueillir des tomates, arroser les choux, ramasser les œufs, repiquer les poireaux, aller chercher de l’eau au puits, prendre des bûches dans la grange, couper du bois, te brosser les pieds sur le paillasson, écosser les petits pois, faire bouillir les pâtes, peler les oignons, éplucher les pommes de terre, cesser de jouer sur ta console, baisser les yeux en t’adressant à tes parents, ne pas les contredire et leur répondre poliment, accepter les remarques qu’on te fait, laver la voiture, relever le courrier dans la boîte aux lettres, passer l’aspirateur dans le salon, balayer la cuisine, arroser la plante du couloir, te laver les mains après avoir uriné, ne pas utiliser trop de PQ, tirer la chasse après avoir fait tes grandes commissions, ramasser les papiers gras et les emballages de chiques dans la cour, faire de l’exercice, tondre la pelouse, tailler la haie, arroser les géraniums, répondre au téléphone, ouvrir la porte aux invités, ne pas t’approcher des animaux auxquels tu n’as pas été présenté, ne pas jouer avec la queue du chat, dire bonjour au garde champêtre et à monsieur le curé, faire le beau, donner la belle main, rapporter la baballe, ne pas traîner au lit toute la matinée (du samedi et du dimanche), te confesser, aller à la messe, ne pas déballer tes bonbons pendant la consécration, ne pas décrocher les chewing-gums collés en dessous du banc de communion, ne pas mordre ton hostie, répéter tes tables de multiplication, réciter ton catéchisme, ne pas te mesurer la zizi dans les vatères, mettre ton journal de classe en ordre, ne pas en arracher ou en coller les pages annotées en rouge par le maître d’école, ouvrir ton cahier de brouillon et tracer une marge à gauche, ne pas faire rire tes voisins, ne pas lancer des boulettes de papier, ne pas empocher les billes de tes compagnons de jeux, ne pas déranger la classe, ne pas remettre trop vite ta copie, t’assurer d’abord de ne pas avoir commis d’erreur, faire signer ton bulletin, corriger tes devoirs, étudier tes leçons, ranger ton cartable, terminer ta tartine, arrêter de mâcher ta chique, dresser le couvert, te nettoyer les mains, t’asseoir correctement, te tenir droit sur ta chaise, faire ta prière avant le repas, prendre tes vitamines (avec un grand verre d’eau) (du robinet), avaler ta soupe, passer le poivre à ton père ou le sel à ta mère, mâcher ta viande, mettre les mains sur la table, ne pas te servir le premier, ne pas manger trop vite, ne pas jouer avec la nourriture, ne pas parler avant le dessert (la bouche pleine), terminer ton assiette, débarrasser, secouer la nappe, faire la vaisselle, ouvrir la fenêtre, t’occuper de ton petit frère, ne pas parler à ta tante sur ce ton, ne pas dire de gros mots à ton cousin, ne pas interrompre ton oncle, promener la mère-grand, être gentil avec le petit chaperon rouge, sortir les poubelles, monter le bac à linge, ranger tes jouets, mettre ton blouson à la patère, te brosser les dents, ne pas rester plus de cinq minutes sous la douche, passer un coup de torchon dans la salle de bains, faire la bise à tes parents, parler correctement, ne pas poser tout le temps des questions inutiles et stupides, verrouiller la porte d’entrée, fermer les volets, tirer les rideaux, couper le chauffage, aller te coucher, éteindre la lumière dans le corridor, mettre de l’ordre dans ta chambre, placer tes chaussettes et ton caleçon dans la manne à linge sale, arrêter de sauter sur le lit, ne pas te tripoter, faire de beaux rêves !

de faire ou de ne pas faire quelque chose[2]. Con-

tre les profs qui l’obligeaient

- Veux-tu bien…

à recracher son chewing-gum à la menthe et à fermer sa grande gueule et à débrancher les écouteurs de son walk-man et à verrouiller son téléphone portable et à rengainer sa machette ou son pistolet d’alarme et à retirer sa casquette de base-ball[3] (ou son bandana et ses lunettes de soleil et sa paire de rollers et son bracelet de force et ses boucles d’oreille) avant d’entrer en classe et con-

tre les flics qui vérifiaient son identité dans les galeries de City 2 ou dans le parking d’un dancing d’Affligem et con-

tre les patrons qui le faisaient travailler à la chaîne dans une conserverie de petits pois et de carottes des environs de Leuven et con-

- Tout le monde dehors !

tre les adjudants-pions (hurlements, onomatopées gutturales, insultes obscènes), atteints du syndrome de Gilles de La Tourette, qui le jetaient au

- Alerte antiatomique !

pied de son lit à deux heures du

- A vos rangs, fixe ! Garde-à-vous ! Rectifiez la position !

matin et l’obligeaient à se mettre au garde-à-vous en pyjama dans la cour de l’athénée de Rösrath (et à ramper dans la boue et à faire cinquante pompages pour s’être permis de rigoler sans en avoir reçu l’ordre formel et militaire) et con-

tre les médecins normalisateurs qui lui prescrivaient des médicaments pour le remettre au calibre.

- Des antidépresseurs, des comprimés d'iode, des travaux d’ordre éducatif, de la branche de céleri, de la gousse d’ail écrasée, du jus de cheval pressé, de la bile d’ours fraîchement abattu, douze olives noires dénoyautées, cinq gouttes de Worcester sauce, deux brins de romarin, une pincée de curcuma, quatre feuilles de basilic et dix feuilles de coriandre, un peu de terre du cimetière de la paroisse ou du potager du curé, un verre de lotoko, une cuillère à café de gingembre frais râpé et trois cuillères à soupe du lait d'une vache primipare ayant accouché avant terme.

Il s’était toujours couché en travers de la route. Con-

tre les hamburgers du Quick ou de McDo et contre les expulsions d’Afghans et de Colombiens et les déportations de Congolais et de Nigérians et contre la commercialisation de produits alimentaires contenant du maïs génétiquement modifié et contre l’enfermement de la Palestine et contre la chasse aux chômeurs et contre le sida[4] et contre le cancer du col de l’utérus[5] et contre la circulaire Bolkestein et contre la modernisation des entrepôts d’armes nucléaires américaines de Kleine Brogel et contre l’augmentation des émissions de dioxyde de carbone et contre les mauvaises guerres faite à la Tchétchénie et à l’Iraq et con-

- Et contre les écotouristes à bicyclette[6] qui polluent les chemins de terre (boueux et sinueux) ou les routes empierrées (que des grenouilles traversent la nuit pour rejoindre leur lieu de ponte) menant à la forêt de Wallers-Arenberg, de Soignes ou de Saint-Hubert !

tre ceux qui coupaient les pieds des caravanes et parquaient les Tziganes dans des bidonvilles en-

tre le canal et

le chemin de fer. Mais rien n’opérait.

Tout se plantait.

Il avait beau enfoncer les touches

- Ctrl-Alt-Delete !

en même temps. Rien ne se passait. Rien n’agissait jamais

Les chameaux et les éléphants perdaient leur liberté. Les perroquets (jaunes et verts) et les poissons (verts et rouges) et les chats (rouges et bleus) étaient capturés, bagués, baptisés, adoptés ou placés. Les vaches étaient réduites en esclavage.

Et les proférateurs continuaient de proférer. Et les tortionnaires ne se fatiguaient pas de tortionner. Et les assassins ne se lassaient pas d’assassiner.

Et le monde recommençait comme avant et

restait toujours pareil et

- Et les juments et les étalons n’arrêtaient pas, pour autant, de pouliner ! Et les truies et les verrats, pour autant, de cochonner ! Et les chiennes et les chiens, pour autant, de chiotter ! Et les lièvres, pour autant, de bouquiner !

repartait pour un tour.

A huit ans[7], il séchait les cours de gymnastique de l’école primaire et refusait de cueillir des champignons des bois de Nassogne avec une mycologue et d’observer les oiseaux du parc de la Woluwe en compagnie d’un ornithologue et d’explorer les galeries d’une ancienne mine des charbonnages de Bernissart sous la conduite d’un paléontologue[8]. Il glissait[9] un pétard dans la boîte aux lettres d’un presbytère et lançait des cailloux sur les vitraux du salon des notables

- Le bourgmestre, le secrétaire communal, le chanoine, le bedeau, le notaire, le clerc, le riche fermier[10], le directeur l’école primaire, le garde champêtre, le facteur, le boucher-charcutier, le conducteur du bus (desservant la ligne Nassogne-Ambly-Forrières-Jemelle), le boulanger, le menuisier de bâtiments (qui fabrique aussi des sabots, des prie-Dieu, des brouettes et des cercueils), le cordonnier, le maréchal-ferrant et l’apothicaire !

au bel étage d’un café-bordel de village, avec entrée

- Chez la Néerlandaise (une diabolique ? ) rousse !

discrète à l’arrière, par les jardins et[11]

décampait sans demander son reste.

A dix-sept ans[12] il frappait son professeur de littérature belge d’expression française (qu’il suspectait de façadisme) et son grand-père (qui souffrait de la prostate et pissait assis) (en lisant la Nation belge dans son fauteuil) (devant la fenêtre du salon) (et recommençait à draguer les séminaristes boutonneux et les jeunes femmes gravides) et arrachait le sac d’une mère-grand en tailleur qui descendait du bus 84 dans l’avenue du Scheutbos et distribuait des préservatifs aux enfants du collège Saint-Boniface et détruisait un validateur de billets de la station de métro Osseghem et conduisait le soulèvement de la clientèle d'un bistrot de la chaussée de Mons contre une bande de supporters-skinheads d'un club de football d’Anderlecht et rencontrait

- Ne keer poepen ?

une demoiselle, dans le quartier de la gare du Midi, assise sur un coin de table (une jambe repliée sous

l’autre) ou jouant du bassin

- On fait une partie ensemble, mon lapin ? On se grimpe ?

- Combien tu prends ?

contre un flipper et

- On va régler ça dans les chiottes ?

concluant la transaction d’une simple poigné de main. A vingt-six ans, il fracturait les clapets des réservoirs d’essence et incendiait les véhicules stationnés le long des trottoirs de la rue Maes ou de la rue du Collège. Il sortait un vieux fusil-mitrailleur Kalachnikov de sa cachette en dessous du lit (ou dissimulé dans le ventre d’un piano à queue). Il menaçait deux flics (en tenue anti-émeutes, le visage grillagé, la matraque dans une main et le bouclier en plexiglas dans l’autre) et les obligeait à se déshabiller (sous la pluie et dans le froid) et à rentrer au commissariat de police d’Ixelles en sous-vêtements. Il tirait plusieurs coups de feu en l’air et prenait la fuite à bord d’une voiture portant deux plaques d’immatriculation différentes dont

l’une (néerlandaise) était radiée et

l’autre (polonaise) signalée comme volée.

A trente-cinq ans encore[13], il continuait de détester les coiffeurs et piquait des plumes de faisan (imprégnées de gros sel marin et de pili-pili antillais) dans les fesses des ministres et des banquiers et des évêques et des généraux. Et des assistants techniques de la coopération belge et des consultants de la Banque Mondiale et des analystes du Fonds Monétaire International et des experts de l’Organisation Mondiale du Commerce et des employés de la société de sécurité Blackwater travaillant pour le compte de la C.I.A. Il se faufilait dans les restaurants et se glissait en dessous des tables et liait les lacets des dîneurs. Il prenait plaisir à boucher les toilettes des WC du bureau avec des journaux de cul et des mises à jour du code civil et des bulletins paroissiaux et des rouleaux de papier hygiénique.

A quarante-quatre ans déjà, il commençait à fatiguer et à bedonner (portant une écharpe en étole) (rouge puis noire) (ou un pull-over autour du cou pour dissimuler sa panse et ses tétons) et à grisonner. Et à suçoter les mouchoirs à pois ou à carreaux de sa jeune femme mariée[14] et à mâchouiller des saucisses pimentées (et à se pincer la lèvre inférieure et le menton entre le pouce et l’index et le majeur de la main gauche ou de la main droite). Il honnissait les hommes qui s’appuyaient sur une canne alors qu’ils n’étaient pas infirmes (le Pape et les évêques, le président Mobutu, les généraux de la première guerre mondiale, les alpinistes, les cueilleurs de champignon, les gardes de la forêt de Nassogne). Il poussait un caddie (transportant deux casiers de grandes bouteilles de Jupiler et une cartouche de Camels[15]) et patientait une demi-heure aux caisses du Delhaize de la rue de Hennin. En maugréant. Et se retenait difficilement de fumer ses clopes et

- Le peuple a soif !

de boire et d’éructer et de bander et de

- Le peuple a faim !

péter dans la file d’attente. Il sortait ses sacs poubelles et les déposait sur le trottoir en dehors des jours et des heures prévus. Il vidangeait l’huile de moteur de sa bagnole et versait le contenu de ses cendriers dans le caniveau.

A cinquante-trois ans, il devenait de plus en plus sourd[16] et

- Ce qui me permet d’entendre ce qui n’a pas été dit ! Et d’être absent de beaucoup de conversations ! Et de ne pas être invité à participer à de nombreux complots !

ne voulait plus voir (ou être vu par[17]) personne. Il entassait des sacs de sable sur le rebord de la fenêtre du salon et barricadait son appartement avec de vieilles armoires métalliques. Il confondait le téléphone portable et la télécommande de la téloche[18]. Il s’achetait des livres à grands caractères et s’affiliait au parti des porteurs de cravates, de chapeaux, de parapluies, de lunettes de vue et de sonotones, de broches chirurgicales et de corsets orthopédiques, d’inhalateurs et d’appareils respiratoires, de couches-culottes et de poches urinaires, de monitorings de rythme cardiaque et de pacemakers, de cannes-béquilles et de râteliers de fausses dents en plastique ou en porcelaine.

A soixante-deux ans, il commençait à oublier[19] de boutonner sa braguette et à pisser sur les jambes de son pantalon. Transformé en clochard à domicile, il était menacé de licenciement par sa jeune femme mariée qui lui reprochait de l’avoir enfermée dans un sac de jute

- Depuis le premier jour de notre mariage[20] !

puis de l’avoir oubliée sur la banquette arrière d’un taxi

- Pendant plus de trois heures ! Depuis plus de vingt ans !

à Ibadan, à Belmopan ou à Tabriz et

- Sous la canicule et en pleine tempête de neige !

qui l’accusait de vouloir l’entraîner

- Vas-y sans moi ! Bouche à l’envers ! Excrément de crocodile ! Eleveur de mouches ! Epluchure de crevette ! Testicule de belette ! Capote en intestin de sauterelle !

nulle part. Et

- T’as coulé une bielle ? T’as plus toutes tes frites dans le même sachet[21] ? Va t’faire examiner par un psychiatre pour animaux, Ducon ! Va t’faire psychanalyser par un chien de berger, Trouduc !

il décidait de prendre, pour quelques semaines, la décision ferme et définitive de vivre au ralenti et[22] de prendre sa retraite dans la proche banlieue du quartier Matonge mais

de ne pas arrêter pour autant de boire des pressions (33cl) ou du Faro ou de la Leffe ou de l’Orval ou de l’Affligem ou

- Et bientôt de la Cantillon ! annonce Fabrice. Si le patron[23] est accord !

de la Moinette, pendant la pause de midi, au Bier Circus ou au Lop-Lop ou au P&P ou à la Brasserie de l’Union ou au Brigand ou

- chez la Polonaise (une angélique ?) blonde !

à l’Aigle Blanc. Avec Jan De Cort et Henri Jouant. Et

- Et Kathy[24] ? On la sort de sa déprime ? On la remet en selle ? On arrose ses plantes ? On rebranche ses compteurs (d’eau, de terre, de feu, d’air) (de gaz et d’électricité)[25] ? On l’amène au bistrot ?

les collègues du service informatique. Et

Brecht et l’autre Didier et d’autres copains-copines[26] de la Régie des Bâtiments ou de la Société de Développement pour le Région de Bruxelles-Capitale ou du Conseil supérieur de la magistrature ou de la Vlaamse Gemeenschap ou de la Région wallonne. Et

il s’en allait[27]. Et

- J’arrive !

personne ne le rappelait[28].

- Votre dossier sera transmis à Bruxelles !



[1] Les médecins de bonnes vie et moeurs recommandent instamment aux gens de bonne race et de bonne religion de prendre un petit-déjeuner tous les matins. Avant de partir à l’école ou au bureau. Complet. Avec des croissants. Croustillants. Et une boisson chaude. Sucrée.

[2] Je ne supportais plus que les Autres me touchent (me prendre sur les genoux, me tirer les oreilles, me masser les épaules et le dos, me pincer les joues, m’embrasser sur le front, me botter les fesses, me chatouiller en dessous des bras, me menacer du martinet ou me donner des coups de ceinturon militaire !) (les Autres se permettaient tout !). Je ne tolérais pas non plus que les Autres me prennent en photo (je m’arrangeais pour ne jamais être présent ?) (je veillais à ne pas être photogénique ?) (je tournais le dos à l’objectif ?) (je déchirais toutes les épreuves que les Autres avaient quand même réussi à tirer ?) et qu’ils m’invitent à m’asseoir au salon, le soir, avec tout le monde, autour de la radio, pour écouter une homélie papale (en différé) ou une émission de variétés (en live). Je ne sortais de mon terrier qu’à contrecoeur et ne voulais jamais entendre le son de la cloche qui annonçait l’heure des repas. Et je détestais les épinards et les haricots, les macaronis au fromage, les lasagnes à la sauce tomate, les gratins dauphinois et les soupes aux pois (et aux croûtons et aux lardons) que les Autres me préparaient. Et les spierings dégoulinants de graisse et les tranches de foie baveux et les rognons putrides ! Et je ne répondais pas non plus aux questions que les Autres me posaient (mais un furet ou une renarde avait quand même su m’apprivoiser ?) (il ou elle ouvrait la porte de ma chambre avec son museau ?) (il ou elle n’était pas bavard ou bavarde et regardait, des heures durant, en ma compagnie, un poisson rouge-fluo tourner en rond dans sa cage ?) (il ou elle grimpait sur mon lit et mangeait dans mon assiette ?) (je lui offrais des morceaux d’aile de poulet ou des couennes de lard ou de jambon ?) (et il ou elle ne se lavait pas les mains avant de passer à table ?). Je haïssais le Jeu de l’Oie et le Monopoly (mais j’acceptais de jouer à un-deux-trois soleil ou à cache-cache ?) (je me dissimulais dans les yeux d’un aveugle, dans la main droite d’un gaucher ou dans l’orteil d’un cul-de-jatte ?) (personne ne me voyait jamais ?) (personne ne me retrouvait jamais ?). J’abominais les sports de compétition (sauf le tennis !) (parce qu’un filet me séparait de l’adversaire ?). Je ne voulais rien comprendre aux blagues que les Autres me racontaient et je n’avais pas du tout envie que quelqu’un essaie de me faire rire. Je rêvais de maîtriser plusieurs langues mortes de façon à ne pouvoir être compris et contredit par personne de vivant.

Alors que j’étais encore en primaire, les Autres m’ont soupçonné d’être taré. Mais ils avaient toutefois des doutes. Les Autres ont d’abord voulu mesurer mon intelligence, savoir si j’étais complètement autiste ou

- Si tu ne veux pas aller à l’internat, tu nous ramènes un Q.I. de 152 !

- Comme Hugh Hefner et Sharon Stone ?

simplement dur d’oreille. Les Autres m’ont amené ensuite chez l’ornithorynque (ou le tamanoir ?). Et

le perfide m’a souf-

- Tu veux des chips…

flé dans le cr-

- Tu veux des chips ou des bonbons ?

eux de l’oreille. Et

- Non peut-être !

j’ai acquiescé imprudemment. Et

- Votre enfant n’est pas sourd ! C’est un simulateur sans vergogne ! C’est un manipulateur éhonté !

le mercenaire (dont les Autres réglaient les honoraires !) m’a trahi aussitôt. Et

- Pas une !

le gougnafier ne m’a même pas donné une boule à sucer (ce service n’étant apparemment pas inclus dans le prix de la consultation que les Autres payaient !), ni une hostie effervescente, ni une barre de chocolat, ni même un lard, ni une tablette de chewing-gum.

- Il serait grand temps que j’apprenne à ne plus me cabrer, non ? Et à donner la bonne patte et à manger dans la main des braves gens qui ne me veulent que du bien, non ? Et à monter avec confiance et résignation dans le van qui me conduit au manège (d’abord), aux brancards (ensuite) et à l’abattoir (enfin), non ?

- Votre dossier sera transmis à Bruxelles !

[3] Enfoncée jusqu’aux oreilles. A l’envers. La visière sur la nuque

[4] Né, au début des années 80, des amours coupables de Jean-Paul II et de Ronald Reagan ! Do ré mi fa sol la sida !

[5] Oserai-je écrire « Le col de l’utérus de ma femme mariée » ? Serai-je assez cuistre ?

[6] En bermuda à fleurs ! Portant le casque, les gants, les coudières, les genouillères, les lunettes de soleil (ou de pluie) et la veste fluo !

[7] Cela faisait déjà deux ans que Saint Nicolas avait cessé de croire en moi… Je m’asseyais tout au fond de la classe et je ne levais jamais la main pour répondre… Je portais des culottes courtes et des chaussettes de grosse laine… Personne ne voulait jouer aux billes avec moi… J’étais le seul blondinet de la cour de récréation et toutes les filles se moquaient de ma raie et de ma barrette (ou les faisais-je toutes craquer, non ?) (ou me détestaient-elles, oui ?) (ou chuchotaient-elles que j’avais des aphtes dans la bouche et des boutons d’acné sur le zizi, peut-être ?)… Je passais mes journées à espionner les oiseaux et à soupçonner les fourmis… J’aimais pisser sous la douche ou dans une baignoire remplie d’eau tiède… Je collectionnais les cailloux, les plumes d’oiseaux, les coquilles d’œufs et les dents de requins fossilisées. Et j’enfermais mes trésors dans une outre en peau de chèvre (planquée dans une cachette au-dessous du perron)… Je ramassais de gros blocs de sel pour le gibier (déjà léchés par tant de langues râpeuses de biches et de chevreuils ?) que je trouvais dans des clairières, au plus profond de la forêt. Et je les prenais pour des pierres de lune… J’exigeais qu’on me paie (et je réglais mes dettes ?) en coquillages, en noisettes et en silex… J’étais une souris (une abeille, un crapaud, un chien de prairie ?). Et je me glissais partout. Et personne ne me voyait (je grattais la cicatrice de mon nombril) (avec acharnement ?) (et mangeais mes crottes de nez) (avec délectation ?). J’entendais tout et j’observais tout (je jetais des boules puantes et de la poudre à éternuer dans les rayons d’alimentation d’un ancien Sarma) (c’est à Namur que ça se passait ?) (près de la place d’Armes ?). Et personne ne prenait garde à moi…

- Votre dossier sera transmis à Bruxelles !

[8] Et refusera-t-il, plus de dix ans plus tard, de faire la tournée des bistrots dans le sillage d’un œnologue !

[9] Je glissais la main dans le sac de ma mère. Je fouillais son portefeuille. J’ouvrais son porte-monnaie. Je repérais un billet de cinq zaïres et une pièce de deux euros. Je les « déplaçais ». Je les cachais derrière une statuette de bois noir ou une horloge de marbre blanc (sur la cheminée du salon ou de la salle à manger). J’espérais qu’une histoire d’amour survienne. Et qu’un miracle s’accomplisse. Et qu’il et qu’elle me fassent des petits.

- Votre dossier sera transmis à Bruxelles !

[10] Exploitant cinquante-cinq hectares de cultures et de pâturages dont dix-neuf hectares pris en location. Et propriétaire d’au moins trente vaches laitières.

[11] J’ai toujours préféré les femmes aux hommes ? Si j’avais été femme, j’aurais été lesbienne ?

[12] A cet âge-là, il pouvait encore espérer le dribbler, cet enculé de tous les saints (dirait Alain Brezault) d’Arthur Rimbaud.

[13] Cela faisait deux ans déjà que je ne figurais plus dans la « Top 50 » et que j’avais cessé d’être photogénique (ou bien avais-je perdu toute innocence et étais-je devenu trèslaid ?) (mais suis-je vraiment aussi moche que j’en ai l’air ?) (dans « Tous sont sur terre », Chéri Samba ne m’avait vraiment pas raté !) (quelle tête de crapaud il m’avait fait !) (verdâtre et verruqueux !) (c’était le 21 novembre 1979) (deux jours après mon quantième anniversaire ?) (était-ce seulement prémonitoire ?) et je ne me reconnaissais pas non plus dans les miroirs que je touchais du bout des doigts (avaient-ils perdu la mémoire ?) et sur les balances que je consultais régulièrement (cherchaient-elles à me tromper ?)… Je n’étais pas non plus devenu télégénique (je me prenais toujours les pieds dans les fils de la caméra !) et ne comprenais rien au télex et à la télécopie (quant à l’informatique, n’en parlons pas !) mais j’avais quand même réussi à obtenir mon permis de conduire (ça m’avait coûté une poule à bouillir !) (passée au four pendant plus de deux heures !) (mes examinateurs étaient deux de mes étudiants : un lieutenant-colonel et un major de l’ancienne police nationale congolaise !)… Mon aspirateur s’essoufflait, ma bite s’affaissait, mon avion tombait du ciel, les distributeurs automatiques de billets refusaient mes cartes bancaires… Je n’étais pas parvenu à dribbler ce fant de pute de viergeasse (dirait Alain Brezault) d’Arthur Rimbaud et à gagner le Tour de France… Les renards et les furets (mes plus anciens amis !) ne me faisaient plus confiance. Ils commençaient à se méfier et à avoir peur de moi… Je n’étais pas parti chasser l’orchidée dans des contrées lointaines et j’avais cessé d’attendre le retour du serpent à plumes…Une de mes seules aventures tropicales avait été d’avoir planté mon appareil dentaire dans une tranche de kwanga (une Kin-sept-jours !) (offerte à la dégustation par une vendeuse du marché de Kintanu ?) (sur la route de Kinshasa ?) (en provenance de Matadi où Longo Luasisa Bakulu venait de se marier ?) et de ne pas arriver à le décrocher (tout le monde regardant et tout le monde se retenant de rigoler !)…

- Votre dossier sera transmis à Bruxelles !

[14] Qui m’avait choisi et que j’avais élue. Aurais-je dû épouser une femme sélectionnée par mes parents et par un astrologue ?

[15] - Des paquets de 20 ou de 25 cigarettes ?

- De 25 !

[16] Vraiment sourd (surdité attesté

- Vous avez de la merde dans les oreilles !

par un ornithorynque !). Pas seulement quand ça l’arrangeait (et qu’il captait seulement les mots qui le faisaient bander !). Et lorsqu’on lui posait des questions précises, il prenait plaisir à répondre au pifomètre. Comme on tire une carte ou un numéro de loterie. Ou comme on prend des paris sur un cheval de course ou un coq de combat. Ou comme on joue au combat naval lorsqu’on ne dispose ni d’appui aérien, ni de l’assistance d’un radar, ni du secours d’un éventail à miroirs. Et quelquefois il faisait mouche (et touchait un sous-marin, un cendrier, un verre de bière, un cuirassé, un coupe-papier, une agrafeuse ou même un porte-avion) (et gagnait le gros lot) mais, le plus souvent, il pointait à côté de la cible, dans les chardons et les orties, très loin du cochonnet.

- Votre dossier sera transmis à Bruxelles !

[17] « On ne peut pas être gentille avec un sourd, ce n’est vraiment pas possible ! » disait Ana.

[18] …et les cerises jaunes et les radis rouges…et les tétines en caoutchouc et les volants de badminton…et la coupole du palais de justice de Bruxelles et celle de la basilique de Koekelberg…

[19] Et ai-je oublié ou perdu quelque part ou nulle part la longue écharpe rouge

- Communiste ! m’agressaient quelques anciens colons du Congo (et croyaient-ils m’insulter ?) au Botanique lors de la présentation d’un film de Thierry Michel (et menaçaient-ils de transmettre mon dossier à Bruxelles ?).

ou noire que je portais habituellement autour du cou ?

[20] « Ça fait déjà (plus de) vingt ans qu’on vit ensemble et je ne m’habitue toujours pas à son odeur ! » tardait-elle à se résigner.

[21] On épouse Martin, Marc-Antoine, Marwin, Manuel, Mavinga ou Mutombo et on se retrouve mariée à Alzheimer (voire à un Pape aphone et agonisant, les yeux embués de larmes, le visage grimaçant, cabotin et exhibitionniste, qui moribonde sur scène devant les caméras de télévision du monde entier) ! Ce n’est pas un motif de divorce, ça ? hésitait-elle à se poser la question. Comment faire face ? Quelle attitude adopter ? A qui se confier ? Quelles prières bredouiller en vue de quelle magie ? Dois-je le garder à la maison ? Où trouver les mots justes qui pourraient percer ses murailles et lui trouer le coeur ? Quelles galeries creuser sous ses murs pour pénétrer à m’intérieur de sa forteresse ? Ne devrais-je pas plutôt le placer en institution (on m’a parlé d’une maison de repos dénommée « Court Séjour », ça vous dit quelque chose ?) (mouais !) (ou d’un centre d’hébergement pour toxicomanes repentants ?) (mouais !) (ou d’une communauté thérapeutique pour vieux érotomanes ?) (mouais !) ou le renvoyer devant la Cour d’assises ? Un long séjour en captivité (kanga vagabond !) dans une cellule du jardin zoologique serait peut-être la meilleure solution, non? Ou l’internement dans une famille d’accueil (chez un couple d’éleveurs de chèvres retraités) (ou de négociants en araignées et en scorpions) ? Dois-je le faire piquer (c’est une tumeur, on ne peut plus rien faire !) par un vétérinaire ? Dois-je transmettre son dossier à Bruxelles ?

[22] …et d’égrapper les groseilles et les framboises… et de presser les oranges… et d’équeuter les haricots verts le soir au coin du feu…

[23] - Bart ?

- Bart !

[24] Ayant perdu l’argent qu’on lui avait donné pour faire les courses et n’osant plus rentrer à la maison ?

[25] Et bien bonjour à Monsieur Walter (celui qui habite Berchem) (dans la banlieue d’Antwerpen/Anvers) !

[26] - J’étais un de ses derniers amis !

- Et après ?

- Après, il est parti à la retraite et il est mort !

[27] Suite à une action syndicale, nous sommes malheureusement obligés de fermer notre station-service. Vous trouverez d’autres postes de distribution de littérature ikoki (ironique, incivique, onirique et coquine) dans les environs qui vous offriront le meilleur prix pour un carburant de même qualité.

[28] Cela faisait déjà deux ans que j’étais devenu sourd … Et que j’avais arrêté de chantonner et de siffloter en descendant les escaliers (ou en marchant sur les trottoirs de la rue Maes, de la chaussée d’Ixelles, de la rue de la Paix, de la rue de Dublin et de la chaussée de Wavre) (ou dans les couloirs du Résidence Palace et du building Axa)… Et que je ne répondais plus au téléphone… Et que je m’étais retiré le permis de conduire et l’autorisation de travailler (et m’avait-on demandé de restituer mes médailles de guerre ?) (pour cause d’indignité ?)… Et que je ne m’attardais même plus au salon (au rez-de-chaussée de la maison « boîte d’allumettes » du 21, rue Maes) (ainsi qualifiée par Moniek Dierckx !) pour scraboutcher des contes d’apnée sur une musique débranchée de Thelonius Sphere Monk (Mysterioso !) (Epistrophy !) ou de Fela Anikulapo Kuti (Shakara !) (Zombie !) (International Thief Thief !) (Equalisation of Trouser ans Pant !) (Ikoyi Blindness !) (Teacher Don’t Teach Me Nonsense!) (He miss road!) (She go say !) ou de Luambo Makiadi (Liwa ya Emery!) (Catherine ndoki !) (Savon Reward!) (Tonton !) (Kronenbourg !) (Course au pouvoir!) (Likambo ya ngana !) (Boma l’heure !) (Mobali na ngai azali étudiant na Mpoto !) (Mario !) (Mamou !) (Flora, une femme difficile!) (Hélène !) (La vie des hommes !) ou de Pepe Kalle (Tika mwana !) (Zabolo !) (Pon moun paka bouge !) (Tuba-Tuba !) ou de Simaro (Diarrhée verbale !) (Mabele !) (Verre cassé !)) ou de Tabu Ley (Mokolo nakokufa !) ou de Mbilia Bel (Cadence Mundanda !) ou de Vadio Mambenga (Tambula malembe !) ou de Carlito (Makolo ya massiya !) ou de Djuna Djanana (Bouquet de fleurs !) (Tantine Betena !) ou de Papa Wemba (Analengo !) (Kuru Yaka !) (Ainsi soit-il !) ou de Sam Mangwana (Georgette Eckins!) ou de Mujos (Revolver !) ou d’Isaac Muzekiwa ou d’Abdullah Ibrahim. Ou dans les bistrots de Matonge (chez Vieux Henri, chez Mère Rose, chez Chantal, chez Ambo, chez Shango, chez Jackie, etc) pour siffler quelques grandes bouteilles de Jupiler et grignoter des ailes de poulets ou des petits os (préparés par Honorine et servis par Béa, Virginie, Marie ou Bibiche)… Et que je ne sortais plus de la maison que pour m’acheter de quoi boire et fumer… Existais-je encore ? Mon nom et mon prénom figuraient-il toujours sur quelle sonnette ? Avais-je (avais-je été conçu, mis au monde, déclaré à l’état civil, baptisé par un curé, soumis à l’obligation scolaire, assujetti à l’impôt, enrôlé dans une armée) jamais existé ?

- Votre dossier sera transmis à Bruxelles !