samedi 1 mai 2010

Les contes d'apnée - Elle portait un scapulaire contre les fièvres

Didier de Lannoy
Contes d'apnée

histoires courtes, scraboutchées sur une musique débranchée de Thelonious Sphere Monk (j’ai toujours voulu écrire comme Thelonious Monk !), de Fela Anikulapo Kuti, de Luambo Makiadi, d’Isaac Muzekiwa (à la Samba !) (vers 5 heures du matin !) ou d’Abdullah Ibrahim, qui se veulent drôles (mais ne font rire personne), érotiques (mais ne font jouir personne), politiques (mais ne changent la vie de personne), insensés (mais ne font perdre la tête à personne) et cruels (mais ne troublent le sommeil de personne)
2003-2005
Extraits - En vrac



Elle portait un scapulaire contre les fièvres


Chapitre 1

- Je t’aime o !

- J’ t’adore o !

Chapitre 2

- Je t’aime o !

- Moi aussi o !

Chapitre 3

- Je t’aime o !

- C’est vrai o !

Chapitre 4

- Je t’aime o !

- Merci bien o !

Chapitre 5

- Je t’aime o !

- A la bonne heure o !

Chapitre 6

- Je t’aime o !

- Je ne t’le fais pas dire o !

Chapitre 7

- Je t’aime o !

- Ça finira par se savoir o !

Chapitre 8

- J’t’m o !

- J’t’m plus o! J’t’merde o ! J’te nie o!

Chapitre 9

- Je retire tes boucles d’oreille o !

- Tu m’prends la tête, nullard o ! T’es nul ! T’es même pas cliquable !

Chapitre 10

- Je dégrafe ton soutien-gorge o ?

- Tu m’vénères les nerfs, mollard o ! Renifle mes pieds et donne-moi quelque chose à manger, bitard o !

Chapitre 11

- Je dénoue ton pagneet l’enlève ta petit culotte o ?

- Tu m’casses les ovules, saucisse de Carcassonne[1] o ! Tu m’cours sur le clitoris, choucroute de Geispolsheim[2] o !

Chapitre 12

- Je te force les cuisses o ?

- Va t’faire mettre par un aspirateur, trouduc o ! Va t’faire aimer par la police, dugland o !

Chapitre 13

- J’arrache ton scapulaire contre les fièvres[3] o ?

- Allez, déchire-moi le coussinet, broute-moi les feuilles de rue et lèche- moi le lard o !



[1] Laquelle n’est pas une authentique saucisse de Toulouse.

[2] Laquelle n’est pas une véritable choucroute de Krautergersheim.

[3] Un scapulaire contre les fièvres, ça se fabrique comment ? Avec deux (on en place un en bas et un en haut !) morceaux de lard (on les emprunte à la voisine !) (on peut aussi les demander à des membres de la famille !) (mais les morceaux de lard ne peuvent jamais provenir de l’intérieur de la maison de l’officiant !), des feuilles de rue cueillies dans les prés (on prend cinq feuilles du dessus et quatre du dessous !), de la noix de muscade pilée (on en épand une bonne couche !) et un morceau de flanelle pour façonner le petit coussinet (on le coud sans faire de nœuds !) ? Et on place le scapulaire au lard dans le creux de l’estomac ? Et on l’y laisse pendant neuf jours (on ne l’expose pas à la lumière !) (on ne lui donne pas à manger !) (on ne l’arrose pas !) (on ne l’enlève pas pour se laver !) (et on se retient de faire l’amour !) ? Et le neuvième jour, on le brûle ? Et on récite cinq Pater et cinq Ave, tous les jours, à la même heure ?