Contes d'apnée
histoires courtes, scraboutchées sur une musique débranchée de Thelonious Sphere Monk (j’ai toujours voulu écrire comme Thelonious Monk !), de Fela Anikulapo Kuti, de Luambo Makiadi, d’Isaac Muzekiwa (à la Samba !) (vers 5 heures du matin !) ou d’Abdullah Ibrahim, qui se veulent drôles (mais ne font rire personne), érotiques (mais ne font jouir personne), politiques (mais ne changent la vie de personne), insensés (mais ne font perdre la tête à personne) et cruels (mais ne troublent le sommeil de personne)
2003-2005
Extraits - En vrac
Quand je rencontre une branche de céleri sur un plan de travail (ou un poireau ou un oignon) (ou même un casse-noisettes), je ne tire pas la gueule, je ne m’insurge pas, je piste !
(050206)
On cherche le homard. Le homard a disparu.
- T’as pas vu le homard ?
Agressé à l’angle de la rue Piers et de la chaussée de Gand[1], une jeune factrice en tournée est délestée d’une somme de 600 euros.
La factrice n’a pas vu le homard.
Quai des péniches. Le bras d’un marinier est happé et broyé par une chaîne d’amarrage dans le port de Bruxelles.
- T’as pas vu le homard ?
Le marinier n’a pas vu le homard.
Un chemin de terre (sinueux) (boueux) ou une route empierrée (que des grenouilles traversent la nuit pour rejoindre leur lieu de ponte) mène à la forêt de Wallers-Arenberg, de Soignes ou de Saint-Hubert. Un oiseau (perché sur une branche morte) joue un solo de saxophone ténor.
- T’as pas vu le homard ?
L’oiseau n’a pas vu le homard. Le chemin n’a pas vu l’oiseau. La branche morte n’a pas vu le chemin.
Le renard qui pue de la gueule préfère la pintade criarde au poulet de chez Delhaize (ou de chez Mimoun[2]) (ou de chez Himi).
Il distingue les artères principales des sentiers secondaires, repère les endroits animés que son gibier se plaît à fréquenter, place et relève ses pièges (et ses appâts), sournoisement.
Et les déplace si besoin est.
- T’as pas vu le homard ?
Le renard (qui pue de la gueule) n’a pas vu le homard. La pintade (criarde) n’a pas vu le renard (qui pue de la gueule). Les pièges n’ont pas vu la pintade (criarde).
[1] Ou du Couloir de la Mort et de la rue de la Paix. Ou des boulevards Barbès et Rochechouart (à la sortie de la station de métro). Ou de la rue Maes et de la rue de Venise.
[2] Qui, depuis peu, a fermé boutique.
