samedi 1 mai 2010

Les contes d'apnée - Pierre, Paul et Jean

Didier de Lannoy
Contes d'apnée

histoires courtes, scraboutchées sur une musique débranchée de Thelonious Sphere Monk (j’ai toujours voulu écrire comme Thelonious Monk !), de Fela Anikulapo Kuti, de Luambo Makiadi, d’Isaac Muzekiwa (à la Samba !) (vers 5 heures du matin !) ou d’Abdullah Ibrahim, qui se veulent drôles (mais ne font rire personne), érotiques (mais ne font jouir personne), politiques (mais ne changent la vie de personne), insensés (mais ne font perdre la tête à personne) et cruels (mais ne troublent le sommeil de personne)
2003-2005
Extraits - En vrac


Pierre, Paul et Jean


(050206)


Pierre, Jean et Paul

et Matthieu et l’un ou l’autre

- surtout l’autre !

de la même bande ont

- Nous ne nous étions plus vus depuis tellement longtemps !

fêté leurs retrouvailles et tapé le carton, vendredi soir, en compagnie de leurs épouses, concubines, entraîneuses et[1] gagneuses, dans différents établissements et estaminets de la rue de l’Ecuyer. Puis

- A qui donc appartient le sang frais qui souille tes souliers crottés ?

ils en sont venus aux mots. Puis

- Enculeur de mouches ! Fromage sous cloche ! Lapin de clapier ! Poule au cul sale ! Chien divaguant ! Excrément d’hippopotame ! Tétine de truie ! Nuisance sonore ! Nourriture pour herbivores ! Epluchure de patate ! Eleveur de lombrics ! Tronc d’arbre mort ! Corne de chèvre ! Salade de nouilles froides ! Clapotis de piscine ! Tapette à mouches ! Lapin de laboratoire ! Conducteur de tondeuses à gazon ! Nettoyeur de pierres tombales (à la grosse brosse et à l’eau de Javel) ! Suceur de hot-dogs ! Tatoueur de gorets ! Charognard opportuniste ! Saleté de pauvre ! Voleur de taques d’égout (revendues à un ferrailleur à six euros la pièce) ! Chouraveur de serviettes de bain et de frigoboxes sur la plage artificielle du quai des Péniches ! Vaartkapoen ! Vaurien du canal ! Potiron !

aux mains. Puis aux verres. Puis

- T’as les chaussettes qui puent ! Va t’faire mesurer le zizi par un anthropologue ! Va t’faire ramoner l’anus par un moniteur de kayak !

aux bouteilles. Puis

- Ainsi donc m’avez-vous repéré alors que j’appelais d’une cabine téléphonique ? Et m’accusez-vous d’avoir trahi ? Et me soupçonnez-vous d’avoir dénoncé le chef de notre réseau de patriotes et de partisans aux troupes américaines d’occupation ? Et de l’avoir livré aux tortionnaires de la prison d’Abou Ghraib ou de la base de Guantanamo ? Et vous me traitez de balance ! Puis-je mettre votre réaction sur le compte d’un malentendu[2] ? a-t-il vainement essayé de se défendre[3].

au couteau. Et personne[4] n’a

- J’te pisse dans la bouche ! a dit celui qui ressemblait à un militaire[5].

osé intervenir pour séparer les protagonistes. Puis

- Bouffon d’ta race !

à la corde de guitare ou de pi-

- J’crache sur le vagin d’ta mère !

ano. Ni le patron, ni le portier, ni le barman, ni les autres clients.

Samedi matin, vers 6 heures, quatre ou six inconnus, complètement ivres

ont déposé un homme inconscient (recroquevillé en position fœtale), devant l’entrée des urgences de l’hôpital général de Kinshasa

ou de CHU de Tokoin

avant de prendre la fuite à bord d’un véhicule, roulant feux éteints, portant

deux plaques d’immatriculation différentes dont l’

une (néerlandaise) était radiée tandis que l’

autre (polonaise) était signalée comme volée.

L’homme[6], un nommé Judas[7]

- Il n’y aura pas de pitié pour les infidèles !

enfant naturel prématuré, élevé par une grand-mère gothique et déjantée (qui portait le voile de façon indécente), gaucher maléfique[8], alcoolique non repenti[9], chanteur de rue, aiguiseur de longs couteaux, marchand de peaux de lapin et joueur d’orgue de barbarie, casseur de parcmètres, indicateur stipendié de la Sûreté de l’Empire romain, affabulateur notoire et souffrant de violentes douleurs à l’estomac, ancien pote à Jésus[10] (avant que Jean le Bel ne le supplante dans le cœur du prophète et ne prenne sa place dans la sainte couche[11])

rossé à mort par ceux de son ancienne bande de malfrats

- C’est même pas vrai ! On lui a (à peine) cassé la gueule ! On lui a (seulement) enserré le cou pour l’obliger à ouvrir la bouche ! On a enfoncé un entonnoir (une feuille de plastique roulée en forme de cornet et maintenue d’une main) dans la gorge ! On lui a fait ingurgiter de l’huile de palme bouillante (et des gousses d’ail et du gros sel marin et du piment congolais parfumé au gingembre) (ou antillais)[12] et à cracher d’épouvantables grimaces (implorantes et aphones) !

est décédé quelques minutes après avoir été installé dans un box de réanimation et

- On l’a aussi (un peu) aidé à se pendre !

avoir reçu l’extrême-onction.

Une corde de guitare ou de piano était serrée férocement autour du cou de l’ignoble traî-

- Chacun de ses anciens compagnons voulait laver la honte (rejaillissant sur toute la bande) !

tre. L’immonde félon avait la tête étonnamment éclatée (le crâne de Yago était brisé à

- Chacun de ses assaillants voulait être l’assassin à part entière de l’infâme !

coups de pied-de-biche ou de démonte-pneu ou de clé à molettes) et le parjure abject avait les tripes et les boyaux curieusement à l’air (la bedaine de Ganelon était déchirée comme un

- Chacun de ses assassins l’avait tué au moins trois fois !

sac poubelle éventré par une ourse de montagne et ses petits) (ou par un gang de zombies affamés) (attaquant leurs victimes par surprise) (les agrippant par derrière et leur arrachant le coeur[13] et se disputant leurs entrailles fumantes[14]) et le zizi découpé en tranches de saucisson à l’ail.

- Il était mort au moins quinze fois !


[1] …et secondes épouses, deuxièmes bureaux, minaresses, coquines, filles du protocole, catalogues, dames d’honneur, gouvernantes de curé, hôtesses d’accueil, demoiselles de compagnie, visiteuses de prison, masseuses, soigneuses, avocates, rebouteuses, envoûteuses, exorcistes, bordelles, amazones, ndumbas, londoniennes, persilleuses, aristotéliciennes, sultanes, nymphes, fées, secrétaires de cabinet, accompagnatrices de trains, ouvreuses de cinéma, trésorières-adjointes, meilleurs prix courants, offres spéciales, produits biologiques (ou améliorés dans le sens d’un plus grand respect de l’environnement), princesses charmantes et…

[2] Je n’ai rien fait d’autre que d’essayer de vous empêcher de nuire ! C’était pour votre bien, quoi ! Comprendre kaka !

[3] Couchant les oreilles, baissant la tête, tendant la patte.

[4] Personne ne souhaitant être mêlé à un différent tribal ou territorial entre macs, dealers ou trafiquants de jeux vidéo et de matériel informatique (volés dans les conteneurs d’un train de la SNCB à destination ou en provenance de la gare de Schaerbeek).

[5] Et (commente Gaby Castel) la pisse d’un soldat, ça sent mauvais ! Je connais quelqu’un qui en sait quelque chose !

[6] Ou la femme. Ou le travesti.

[7] Et qui pourrait également s’appeler Saran (laquelle n’a pas de site personnel sur Internet et ne figure pas non plus dans le Larousse illustré ou le petit Robert) (et qui était Bambara !) (ce qui explique - ne manquera certainement pas de me confirmer Jipéji quand je le consulterai à ce sujet - qu’elle ne pouvait d’aucune manière figurer dans le roman « Peuls » de Tierno Monénembo) (prodigieuse épopée !), Dalila (qui séduisit Samson et lui lécha les couilles) (et lui rasa le pubis pendant sa période de tristesse post-coïtale), Brutus l’intègre (qui organisa avec Cassius le complot amenant la mort de G.W. Bush), Mobutu (dont on oublie parfois la trahison fondatrice : la déstabilisation, la « neutralisation », la traque, l’arrestation, l’emprisonnement, le transfert au Katanga et la mise à mort de Patrice Emery Lumumba) ou Wit-ah (petit coucou gris, à bec blanc, de la famille des Indicatoridae) (qui, à la saison des fleurs, désigne aux voleurs de miel les arbres où les abeilles sauvages cachent leurs nids), que sais-je ! Irving Brown, responsable des relations internationales de la centrale syndicale américaine AFL-CIO, agent traitant de. la CIA ayant piloté et financé (sur les fonds secrets du Plan Marshall) les opérations de scissions syndicales en Europe. Et ces autres-là qui ont vendu Aslan Maskhadov aux forces spéciales russes (et ont reçu dix millions de dollars pour prix de leur trahison).

[8] Ayant cependant appris à écrire ses romans et à signer ses aveux de la main droite (pour mieux tromper les gens !).

[9] Buvant, chaque matin, son litron de vinasse au petit-déjeuner.

[10] Procédant à la multiplication des mikates et des tilapias au marché Djakarta (en face du Palmarès) et faisant passer le chapeau dans l’assistance après avoir réussi quelques tours de magie.

[11] C’est de très mauvais goût ! Ça dépasse toutes les bornes !

[12] Il ressort de l’autopsie que du sperme et de l’urine seraient également entrés par la bouche et auraient transité par la tube digestif de la victime.

[13] Le cœur et les intestins sont des organes qui s’altèrent rapidement. Une fois prélevés, il faut les manger rapidement.

[14] On dit pourtant que le corps d’un traître dégage une odeur désagréable et… que sa viande a mauvais goût et… qu’elle n’est pas comestible…