samedi 1 mai 2010

Les contes d'apnée - Olim Kordic

Didier de Lannoy
Contes d'apnée

histoires courtes, scraboutchées sur une musique débranchée de Thelonious Sphere Monk (j’ai toujours voulu écrire comme Thelonious Monk !), de Fela Anikulapo Kuti, de Luambo Makiadi, d’Isaac Muzekiwa (à la Samba !) (vers 5 heures du matin !) ou d’Abdullah Ibrahim, qui se veulent drôles (mais ne font rire personne), érotiques (mais ne font jouir personne), politiques (mais ne changent la vie de personne), insensés (mais ne font perdre la tête à personne) et cruels (mais ne troublent le sommeil de personne)
2003-2005
Extraits - En vrac


Olim Kordic



(050524)


Ça commence toujours par un procès-verbal d’audi-

- Comment vous dites ?

tion en trois exemplaires (au moins). Ou par une dénoncia-

- Et ça s’écrit comment ?

tion anonyme. Ou par le coup de téléphone

- Et d’où ça vient, ce nom-là, Olim Kordic ? C’est flamand ? C’est wallon ?

bienveillant d’un informateur

- C’est chrétien seulement ? C’est bruxellois peut-être ?

bénévole. Ou

- Mais qu’est-ce que c’est donc ce type-là ? Quelqu’un d’ailleurs sans aucun doute ! De donde from ? Qui le connaît ?

par la confession (pour autrui) spontanée d’un citoyen indigné[1], ancien militaire, aujourd’hui retraité et reconverti dans la vigilance citoyenne.

Un historique succinct des faits.

A onze ans, Olim Kordic, un épi dans les cheveux, aurait jeté des pierres sur les niches d’un caveau funéraire, joué à saute-mouton avec des chèvres et tiré la queue d’un bouc. Il aurait planqué deux paquets de bonbons ou de sucettes dans une armoire et les aurait tous mangés (avec leur emballage) sans partager avec personne. Il se serait repu de radis noirs et de carottes jaunes (déterrés dans le potager d’un retraité) et se serait abreuvé de rosée (recueillie sur les brins d'herbe d’un jardin d’autrui) à l’angle de la rue de La Haut et de la rue de Château d’eau. On l’aurait vu.

- C’est même pas vrai !

A douze ans, Olim Kordic, un épi dans les cheveux, se serait emparé d’une fleur en plastique qui poussait miraculeusement parmi les pierres synthétiques de la grotte de Lourdes du jardin des Bonnes Sœurs du village et l’aurait planquée sous sa blouse ou dans sa culotte. Il aurait piégé des lapins et glané du blé. Il aurait volé un sac de billes et de petites voitures de course à ses camarades de jeu. On l’aurait vu.

- C’est même pas vrai !

L’année suivante, Olim Kordic, un épi dans les cheveux, se serait mordu la langue et les lèvres en mâchant son premier chewing-gum à l’arrêt de bus (près de la maison communale). On l’aurait vu. Sommé de s’expliquer, il se serait morfondu et aurait tenu

- A ton âge, petit ? se seraient effrayés ses bienfaiteurs (instituteurs, catéchistes, professeurs de civisme et d’éducation physique, pédophiles et philanthropes) qui auraient préféré qu’il s’intéresse à la cueillette des poires ou à la récolte du miel ou à la préparation des confitures ou à la métamorphose des papillons ou à la transmutation de Hulk.

des propos incohérents qu’

- Mon corps me dégoûte et je n'ai même pas envie de prendre un bain ou une douche avec une fille ou…

on lui reprochera plus tard.

- de me regarder nu dans une glace.

A quatorze ans, Olim Kordic, un épi dans les cheveux, serait tombé au fond d'un puits de cinq mètres de profondeur en tentant de récupérer un ballon de chiffons. On l’aurait vu. C’est à cette époque-là qu’il aurait fumé sa première cigarette

- T’avales même pas la fumée ! se seraient moqué de lui ses camarades. Tu cobriques !

dans les chiottes[2] de la cour de récréation d’une école secondaire des environs de Saint-Hubert ou de Marche-en-Famenne et aurait appris à jouer au bandit manchot dans un café de Marloie. Il aurait (à l’aube) (avant de se rendre à l’école) at-

- Sors ton kangourou !

taqué un fêtard qui venait de retirer de l’argent à un distributeur de billets. Il aurait bouté le feu à un manège de chevaux de bois à Forrières. Il aurait bu une bière à Ambly (ou à Rochefort) et pris le train à Jemelle pour la première fois de sa vie. Il serait monté en ville, à Ciney[3] et aurait tenté de voler un vélo d’ado fixé sur le toit d’un break (ou un rouleau de papier hygiénique dans les toilettes du buffet de la gare) et d’arracher le sac à main d’une bourgeoise qui remplissait le coffre de sa voiture dans le parking d’une épicerie ou sur le parvis d’une église-karaoké et qui

- Nom di djû !

ne se serait pas laissé faire et qui

- Prends toujours ça sur ta gueule, morveux !

l’aurait frappé avec son parapluie. On l’aurait vu. Et il aurait, peu de temps après, subtilisé quelques rayons d’une bicyclette anglaise abandonnée dans les fougères polypodes communes par une écotouriste[4]

- Une blonde qui se paie des études artistiques en dansant dans des discothèques, si vous voyez ce que je veux dire !

souffrant d’une crise de cystite aiguë et[5]

- Presque nue !

ne pouvant plus se retenir. Et

se serait fait cuire des brochettes de sanglier aux fraises de bois et aux airelles de forêts sur un feu de feuilles mortes et de bûches. En pleine forêt. A proximité du terrain d’aviation de Saint-Hubert (où un petit porteur se serait écrasé au décollage). On l’aurait vu.

- C’est même pas vrai !

A quinze ans, Olim Kordic, un épi dans les cheveux, aurait pris l’habitude de rester assis pendant des heures

- J’ai beau tousser, tousser, tousser, tousser[6] ! aurait-il expliqué. Je ne parviens même pas à me débarrasser d'une petite crotte qui me colle au derrière !

dans les toilettes, en plein hiver, au fond de la cour et d’y lire des rouleaux de papier hygiénique, de vieux journaux publicitaires, des bulletins paroissiaux et des revues de cul. Un soir de fête, après avoir bu des fonds de verre de genièvre ou de pékèt, il aurait mis le feu aux poubelles de la salle des fêtes de la commune. On l’aurait vu.

- C’est même pas vrai !

A seize ans, Olim Kordic, un épi dans les cheveux, aurait définitivement abandonné l'idée de traire les vaches, de donner le biberon aux veaux, de nourrir les cochons, de rentrer les foins et d’arracher les pommes de terre dans la ferme d’un riche agriculteur (exploitant cinquante-cinq hectares de cultures et de pâturages) (dont dix-neuf pris en location) (et propriétaire d’au moins trente vaches laitières) où plusieurs immigrés en voie de régularisation, anciens pensionnaires d’un centre d’accueil pour « candidats réfugiés »[7], avaient été embauchés (dormant sur des matelas de paille jetés sur un tas de pommes de terre ?) au noir (se nourrissant du maïs séché servant de fourrage au bétail ?) comme esclaves saisonniers. Il aurait

- Il aurait même escaladé les Twin Towers, fait sauter la Tour de Pise et les grandes pyramides, séquestré et assassiné Marc Dutroux et Michel Fourniret, noyé Jésus de Nazareth dans une baignoire d’eau de Javel (en marbre blanc) et volé la caisse d’une superette Spar !

- C’est même pas vrai !

dissimulé des fils de fer barbelés dans les champs de blé pour foutre en l’air les moissonneuses-batteuses. Il aurait passé plusieurs heures par jour à cultiver des plans de cannabis dans une serre désaffectée. On l’aurait vu.

- C’est même pas vrai ! Ce soir-là, je jouais aux cartes avec des amis ! Je buvais de la bière dans un café de Saint-Hubert[8] (au Rimbaud[9]) ! Je recevais mes dernières instructions (où courtiser la princesse charmante et comment lui rendre hommage) !

A dix-sept ans, encore mineur[10] et ne pouvant aisément être expulsé, de confession suspecte et de nationalité douteuse, surveillé par la police fédérale et l’Office des Etrangers[11], soupçonné de différents méfaits, lassé d’être toujours désigné comme coupable et de devoir sans cesse se justifier, Olim Kordic, un épi dans les cheveux, aurait trafiqué ses papiers et se serait engagé comme supplétif indigène[12] dans les armées de la coalition (humaniste et compassionnelle), mobilisées contre les forces du Mal (assoiffées de sang) et les suppôts de Satan.

- Pour qu’on me foute la paix, quoi ! Pour être normalisé, quoi ! Pour ne plus avoir d’emmerdes, quoi ! Pour obtenir le droit d’exister, quoi !

Il aurait fait la guerre un peu partout dans le monde : en Bosnie et/ou au Kosovo et/ou en Macédoine et/ou en Tchétchénie et/ou en Arménie et/ou en Georgie et/ou au Soudan et/ou en Ouganda et/ou au Congo et/ou au Rwanda et/ou au Burundi et/ou en Angola et/ou en Namibie et ou au Liberia et/ou en Côte d’Ivoire et/ou en Sierra Leone et/ou en Algérie et/ou au Maroc et/ou en Tunisie et/ou en Somalie et/ou à Cuba et/ou en Bolivie et/ou au Chili et/ou au Guatemala et/ou au Nicaragua et/ou en Colombie et/ou en Palestine et/ou au Liban et/ou en Syrie et/ou en Corée et/ou au Vietnam et/ou en Indonésie et/ou au Yemen et/ou au Pakistan et/ou

en Afghanistan et/ou

en Iraq. Il aurait fait prisonnier et torturé de jeunes guerilleros

- Qui bêlaient lorsqu’on leur défonçait l’anus avec une matraque électrique ou un pilon à mortier !

et les aurait torturé. Il aurait tiré sur de vraies cibles

- Qui pissaient du sang par tous les trous de leur corps lorsqu’on leur perçait le cœur !

humaines et

- Des ennemis irréductibles de l’économie de marché et du modèle américain de démocratie mondiale (un dollar égale une voix) !

désarmées. Il aurait, à son tour, été capturé et pris en otage et enfermé dans une cage pendant plusieurs jours et mis au cachot avec des fers de plus de 20 kilos au pied et

filmé sur une cassette vidéo et presque décapité par un groupe de résistants armés.

- C’est même pas vrai !

A dix-huit ans, après avoir été libéré contre une importante somme d’argent en euros ou en dollars, devenu un héros (fraîchement naturalisé) et un contribuable (dûment enregistré), Olim Kordic, un épi dans les cheveux, aurait commencé à recevoir sa carte d’ancien volontaire de guerre et à devoir remplir une déclaration d’impôts. Il se serait posé alors quelques questions existentielles et

- A partir de quel moment peut-on dire d’un poisson qu’il se noie ? Seules les femmes mariées peuvent porter le chapeau melon ? Les papillons savent-ils d’où ils viennent (et y retournent-ils) ? Est-il exact que la queue d’un paon ne cesse de croître tout au long de sa vie ? Comment tirer parti des fluctuations du dollar sur le marché obligataire ? Les hommes clonés sont-ils plus gras que les autres ? Quel est le temps moyen de cuisson d’un gigot d’agneau de deux kilos dans un four à gaz de ville ? Un drummer (prenons Alonzo Baba !) est-il l’avant-centre ou le gardien de but de son orchestre ? Le placenta et le cordon ombilical sont-ils des tripes ou des déchets hospitaliers ? Les animaux herbivores broutent-ils les plantes carnivores ? Les couches-culottes usagées (contenant des excréments frais de personnes âgées) peuvent-elle être utilisés par des fermiers comme épouvantails à sangliers (sans obtenir au préalable l’accord de leurs propriétaires) ? Que vaut la bénédiction d’un pape aphone ? La date limite de consommation des œufs est-elle toujours (par un décret de la région wallonne ou une directive européenne) fixée à vingt-huit jours de la ponte ? Les vrais secrets (ceux qu’on ne peut pas dire) ont-ils aussi une date de péremption ? Que faire en cas de rupture de préservatif ? Les moules de Zélande se vendent-elles mieux au litre ou au kilo ? Les gens ont-ils toujours n’importe quoi à se dire (n’est-ce pas merveilleux ?) pendant des heures ? Les dragons de Komodo sont-ils vraiment frimeurs ou simplement baraqués ? Les préposés à la plonge d’un restaurant d’Arcachon peuvent-ils ouvrir des huîtres en conserve avec un décapsulateur ? Y a-t-il des crabes nécrophages au fond des bénitiers de la basilique de Koekelberg ? Quels accords de Yalta ont-ils été passés entre Coca-Cola et Pepsi-Cola (entre Ribbentrop et Molotov ?) pour se partager le monde ? Les préservatifs masculins se dégradent-ils au contact de l’huile solaire et de la vaseline ? Les espions, les confesseurs et les mouchards se retiennent-ils de boire et de manger et ne laissent-ils pas des traces (flaques d’urine, étrons) de leur passage ? Existe-t-il des plantes, sûrement tropicales, qui ronronnent quand on les caresse ? Et des sous-insectes qui emmerdent les moustiques et les empêchent de dormir la fenêtre ouverte ?

aurait tourné ses bienfaiteurs (entraîneurs de football, aumôniers scouts, assistants sociaux, instructeurs de l’armée, coopérants réintégrés dans l’administration métropolitaine et autres professionnels de la compassion), en dérision :

-Dix-huit ans, c’est une excellente année pour se suicider, non ? leur aurait-il demandé.

- Etes-vous certain de vouloir mettre fin à vos jours ? lui aurait-on répondu. A votre âge, vous ne devriez pas refuser de grandir ? Ce n’est pas très positif ! Ce n’est pas très raisonnable ! aurait-on insisté. Ce n'est vraiment pas très responsable ! L’Union européenne, le Vatican, Microsoft, les supermarchés Delhaize l’entreprise Halliburton, G.W. Bush, l’Empire romain, la Sainte Alliance (le Crocodile, le Léopard et l’Aigle), l’O.M.C. et l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord ont besoin (qui travaillera dans nos usines, qui paiera nos pensions, qui mourra pour nos patries ?) de vous !

A dix-neuf ans, Olim Kordic, un épi dans les cheveux, ne se serait pas pendu à la poutre maîtresse d’une grange.

- La « splendide campagne » ardennaise me fait profondément chier ! C’est complètement miné ! Les mauvais sorts n’y ont jamais été conjurés ! C’est encore plein de fétiches cléricaux et féodaux qui n’ont jamais été désactivés ! Et qui continuent à faire des ravages !

Complètement paumé, désintégré, il aurait néanmoins réussi à dissimuler ses émotions dans une botte de paille et serait

- On s’emmerde tellement dans ces bleds pourris que chaque cas de cadavre est un évènement pour tout le monde !

parti vivre sa vie à Ambly

puis à Forrières

puis à Jemelle

puis à Marloie

puis à Ciney

puis à Nanur

puis à Gembloux

puis à Ottignies

puis à Bruxelles avec une petite copine de souche locale. Il aurait travaillé dans l’industrie du divertissement (jeux du cirque, paris, adrénaline, relâchement des sphincters, jets d’urine) et aurait scénarisé une course de vitesse

- Il y aura quatre personnes à bord de chacun des véhicules ! Une fille et trois garçons !

entre voitures particulières

- Les voitures se heurteront en pleine course et s’écraseront contre une remorque stationnée sur le bas-côté !

dans la rue Picard

- Les supporters des deux équipes[13] se rassembleront sur le lieu de l’accident ! Ils jetteront des pierres sur les bagnoles de flics et les autopompes ! Ils molesteront les ambulanciers !

à Molenbeek. Il aurait également arbitré des combats de bêtes fauves de location (opposant le furet alcoolique et sarcastique d’un chemineau d’humeur triste et capricieuse au pitbull[14] au nez vert et aux yeux rouges d’une voisine de palier) (anxieux, couard et renfrogné), de clochards édentés, de scolopendres exsangues, de scorpions

- Sans gants, ni arbitre, ni limites de temps ! Tous les coups sont permis ! Personne ne bat en retraite ! Que le sang gicle, que le meilleur survive et que crève le vaincu !

décharnés, d’araignées desséchées, de coquelets déplumés et de scarabées shootés au parc Roi Baudouin à Jette (dans la partie située entre la chaussée de Wemmel et l’avenue de l’Exposition), clandestinement (un guetteur posté sur une butte surveillait l’arrivée des flics). Mais n’aurait guère réussi dans ces entreprises. Et il aurait donc été obligé de demander à sa copine de faire des ménages au noir

- Tu ne voudrais quand même pas que je me lève tous les jours à cinq heures du matin et que je revienne du boulot à huit heures du soir ? Tu ne voudrais quand même pas que je travaille comme maçon ou que je vende des disques compacts piratés sur les trottoirs de la rue de Brabant ? aurait-il demandé. Tu préfères sans doute que je fracture les horodateurs et les distributeurs de boissons ? Ou que je barre la route des facteurs en vélo et que je m’empare de leur sac ? Ou que je détrousse le cadavre d’un homme qui vient de se suicider ? Ou que je fourgue de l’héroïne à l’angle de la rue Jennart et du boulevard Léopold II ? Ou que je pique le portefeuille d’un curé qui cuve son vin de messe dans un confessionnal ? Ou que j’égorge les propriétaires de voitures de luxe dans des endroits obscurs ? se serait-il indigné. Et que je me retrouve en prison et que je te laisse toute seule à la maison ?

pour subvenir aux besoins du jeune couple. Ou l'aurait

- Si tu ne veux pas faire des ménages, il ne te reste plus qu’à faire le tapin ! C’est le bon moment, d’ailleurs ! Les femmes sont désirables jusqu’à vingt-quatre ans, après leur valeur baisse !

invitée à se prostituer.

- C’est même pas vrai !

Et ça se termine toujours comment ?

La gueule de bois sur un banc public ?

Un bras, bientôt, sortira d’une voiture aux vitres teintées, silencieuse, roulant feux éteints, portant

- Lokuta !

deux plaques d’immatriculation différentes dont

l’une (néerlandaise) sera radiée et

l’autre (polonaise) signalée comme volée ?

Des balles siffleront (devant un kiosque à journaux) ?

Olim Kordic, un épi dans les cheveux, ne mourra pas dans un incendie provoqué par un court-circuit de sa couverture chauffante ? Ni d’un cancer de la prostate ? Ni de la maladie d’Althusser[15] ?

- Un garçon gentil comme tout et qui disait bonjour à tout le monde !

A vingt ans

et quelques mois ?

- Lokuta na bango !



[1] Un civique ! Un royaliste, un atlantiste et un papiste ! Un cafteur ! Un ami de l’ordre public et des bonnes moeurs ! Un rapporteur avisé de faits suspects commis par des créatures nuisibles et de gestes déplacés accomplis par des êtres malfaisants ! Un propagateur judicieux de rumeurs adéquates et de supputations congrues ! Un sire-esclavagiste de l’Etat Indépendant du Congo ! Un joueur de scrabble ou de loto ! Un buveur de gin ou d’absinthe ! Un supporter d’un club de football d’Anderlecht ! Un donneur de leçons

- Pas plus d’une personne à la fois sur la trampoline ! Pas plus d’une personne à la fois dans les cabinets de toilette, les cercueils, les guérites, les ascenseurs, les caissons de bronzage, les confessionnaux, les cloches à plongeur, les box de réanimation, les cabines de douche et d’essayage, les isoloirs !

de morale ! Un homme gonflé de certitudes ! Un éléphant sachant toujours où il va ! Et se déplaçant avec fracas et détermination dans les magasins de porcelaine de Saxe et de tapis du Kasaï ! Un tintiniste, quoi !

[2] Et il aurait mangé son mégot pour ne pas se faire choper par le surveillant.

[3] Marché aux bestiaux, industries du bois, matériaux de construction, tour des XIIe-XIIIe siècles, vestiges des remparts de 1321.

[4] En bermuda à fleurs ! Portant le casque, les gants, les coudières, les genouillères, les lunettes de soleil et la veste fluo !

[5] Et se plaçant une main sur le bas du ventre. Et sautillant sur place. Et ne pouvant même pas entrer dans le hall d’un immeuble pour se soulager.

[6] - Pousser (et risquer ainsi une rupture d’anévrisme) ?

- Tousser !

[7] Ouvert par la Croix-Rouge dans un hôtel de vacances des syndicats chrétiens.

[8] Ou de Fleurus (sur la chaussée de Charleroi) ou de Marchienne-au-Pont (sur la route de Mons) ou de Jemelle (sur la route de Rochefort).

[9] Où Jamal et Mohamed ont découvert la Faysanne (quand ils campaient à Tenneville). Et l’ont fait boire à Kader et à Majid. Et à Kinvi.

[10] Ainsi donc Olim Kordic serait-il un Mena (mineur étranger non accompagné) ? Né de parents assassinés ? Dans une maison aujourd’hui détruite ?

[11] Ils m’accusaient d’avoir masturbé un taureau reproducteur, siphonné une fosse à purin et lancé des noyaux de prunes sur la combi du champêtre ! Ils m’accusaient d’avoir incendié une grange, uriné sur le monument aux morts de la place du village, volé le portable de l’instituteur de l’école communale, déféqué devant la sacristie de la collégiale, fracturé un tabernacle, collé un chewing-gum sur les lèvres de Marie (pour l’obliger à se taire)! Ils m’accusaient d’avoir dégonflé les pneus de plusieurs tracteurs, placé une pomme de terre crue sous la pédale de frein de la voiture du pharmacien, griffé la carrosserie du corbillard, écrasé des crottes de chien sur le pare-brise d’un autobus des TEC ! Ils voulaient me délivrer un Ordre de Quitter le Territoire ! Ils m’ont interrogé pendant plus de six heures d’affilée ! Ils me posaient toujours les mêmes questions ! Ils cherchaient à m’embrouiller ! Ils prétendaient que je me contredisais ! A la fin, je ne savais plus qui j’étais ! Comment donc expliquer à des flics que je ne prenais pas la fuite mais que je faisais du jogging dans les allées du cimetière ?

[12] Ou comme conducteur de trucks d’approvisionnement de l’armée sur la route menant de Bagdad à Najaf. Ou comme mercenaire chargé d’escorter des convois de camions-citernes. Ou comme traducteur au service de gardiens et de tortionnaires. Ou comme guide-interprête et chauffeur de journalistes français ou australiens. Ou comme employé de la société de sécurité Blackwater travaillant pour le compte de la C.I.A. Ou comme agent de la Gulf Supplies and Commercial Services.

[13] Provenant de quartiers situés au-delà de la troisième enceinte et de villages de la grande banlieue ?

[14] Mâchant du chewing-gum à la menthe. Et tirant de grands coups sur sa laisse. Et manquant déséquilibrer sa maîtresse.

[15] - D’Alzheimer, bitard !